Par Olivier Müller
N’en déplaise aux plus indépendants, la génétique impose souvent ses lois. Il en va ainsi de la morphologie comme de la vocation, et ce n’est pas Benjamin Muller qui dira le contraire.
Ecartons d’emblée toute affiliation entre l’intéressé et votre humble serviteur : nous n’avons, jusqu’à preuve du contraire, aucune parenté. En revanche, l’ascendance parle d’elle-même : Benjamin Muller est le fils de Jean Muller, célèbre designer horloger notamment connu pour avoir lancé dans les années 80 les montres Bugatti. Lorsque la marque automobile a voulu reprendre ses droits, Jean Muller s’est engagé dans la marque blanche, en concevant et réalisant des garde-temps livrés clés en main aux grandes marques. Parmi elles, on trouve notamment Chopard, Girard Perregaux, Guy Ellia, Richard Mille ou encore Leviev.
Avec ce passif, pas étonnant que la seconde génération Muller suive la même voie. Suive ? Développe, plus exactement, car ce dernier lance aujourd’hui sa propre marque. Pour se démarquer, Benjamin va capitaliser non pas sur un patronyme déjà largement usité (Jean, mais aussi Franck), mais sur son prénom. Nous sommes en 2010, la marque M. Benjamin vient de naître.
TH : L’engagement dans la voie horlogère était-il une évidence pour vous ?
BM : Pas nécessairement. Il est vrai que j’ai baigné dans la haute horlogerie et la joaillerie depuis toujours, mais je me suis au départ orienté vers le commercial. Lorsqu’un grave accident de voiture m’a amené à reconsidérer mon orientation, je me suis naturellement orienté vers le design, dont je maîtrisais déjà la plupart des outils. Evidemment, lorsque l’on passe ainsi 10 ans à concevoir des montres pour les plus grands, l’envie de faire la sienne ne tarde pas !
TH : Vous avez immédiatement pu compter sur un solide appareil de production familial…
BM : La partie design-conception et fabrication est effectivement exécutée à domicile en France à Besançon, mais lorsque la crise a frappé notre industrie, mon père a dû se séparer de nombreuses compétences d’horlogerie pure. C’est donc au travers d’un partenariat avec Concepto Watch Factory (La Chaux de Fond-Suisse) que je réalise aujourd’hui mon mouvement, 100% original.
En revanche, nous avons toujours les 3oo m2 de locaux de la Manufacture horlogère au Locle en Suisse, complétement équipé en matériel horloger, ce qui permettra rapidement à terme de réaliser le montage-réglage des kits ainsi que l’emboitage des pièces finies.
TH : Quel est l’esprit qui a présidé à la création de votre première pièce, la Spyder ?
BM : Le nom révèle à lui seul ma passion automobile ! Les modèles portant ce nom sont en général des 2-places sportives, sans toit, et avec moteur central apparent. J’en ai repris l’essence, le moteur est visible sous une vitre saphir anti-reflet, les cornes et le mouvement forment une architecture linéaire comme le ferait un chassis tubulaire de voiture sportive, l’ensemble donne une osmose racing ou la carrosserie-le moteur et le châssis ne font qu’un !
La construction en sandwich de la montre permet de jouer au maximum avec le mélange de matériau, de couleur, et de finitions. Les combinaisons de ces différents paramètres me permette d’offrir un certain degré de personnalisation et des séries limitées.
TH : Du dessin à la pièce finie, il n’y a pas eu de surprise ?
BM : Plusieurs ! L’usinage et les finitions des composants titane médical grade 5 a été relativement complexe. Il a fallu ré-usiner plusieurs jeux de corne car les traces de fraise à l’usinage étaient apparente après finition..
Les aiguilles ont aussi découragé tous les sous-traitants en raison de la forme squelette et c’est finalement à la Manufacture Concepto qu’elles ont été fabriquées et finies mains par des horlogers..
TH : Quels seront les volumes ?
BM : 88 Heure/Minute en titane, et autant en titane noir. Côté tourbillons, 2 fois 12 pièces réparties de la même manière. Il y aura également une pièce sertie dont j’ai reçu le premier modèle…hier !
TH : Et côté positionnement ?
BM : Je vais avancer simultanément sur les marchés asiatiques et européens (Londres, Côte d’Azur) pour commencer. Nous serons sur une gamme de prix allant de 31ooo à 5oo ooo euros TTC.
L’auteur: Olivier Müller